Paillasse, molécules et hédonisme : en coulisse avec Hélène Miralles, Maître Sirupier Maison Routin - 1883 Maison Routin

Hélène Miralles fait partie de la Maison Routin 1883 depuis… 1988. C’est long ! Le temps de se forger l’expérience et la légitimité pour incarner officiellement le rôle de Maître Sirupier. D’une voix douce, précise, presque timide, elle nous raconte qu’elle est entrée chez Maison Routin au moment où le groupe créait son laboratoire de recherche et développement. Au début de l’aventure, ils sont deux au labo. Elle a 24 ans et arrive avec son bagage scientifique (une formation en biologie et chimie) et quelques courtes expériences professionnelles. C’est son premier « vrai » job. 34 ans plus tard, elle constate avec une certaine émotion dans la voix qu’elle aime toujours beaucoup son métier. Il est d’une incroyable diversité. Jamais elle n’a créé le même sirop, chaque jour apporte son lot de créativité, avec pour objectif de créer du plaisir et de l’harmonie. Cette dualité entre technique et gourmandise est le fil rouge de son travail.

Concrètement, sa mission consiste à transformer une idée, une envie, une intuition en « sirop », bien concret, bien dosé, bien abouti dans une bouteille ! Chaque année, ce sont entre 100 et 150 recettes qui passent entre ses mains et celles de l’équipe de désormais 6 personnes qui œuvrent à la R&D (pour l’ensemble des marques de la Maison Routin).

Pour ce faire, l’outil de travail de référence d’Hélène Miralles, c’est l’analyse sensorielle descriptive. Une méthode qui permet l’acquisition d’un langage « objectif » même quand le sujet de départ est celui d’une sensation, d’un ressenti, forcément personnel et subjectif. Cette petite magie parfaitement rationnelle consiste donc à traduire une impression / un goût, en une formule scientifique exprimée en molécules. En pratique, l’équipe du labo travaille avec des groupes de personnes formées à cette méthode, en se basant sur un référentiel olfactif étoffé par Hélène au fil du temps, baptisé AromaSensoris.TM

Une sorte de pantonier spécial sirop pour le nez, qui répertorie 70 molécules traduites en odeurs et goûts et qui permet de recueillir les impressions et les mots de chacun. Le but est de converger vers une même définition d’un goût, de le décrire précisément et de façon fiable.

Par exemple :  le sirop « madeleine » chez 1883 est né d’une envie précise, celle de restituer un certain esprit français, une gourmandise. Assez vite la madeleine s’est imposée comme un symbole : un petit goût d’enfance, une forme, des notes organoleptiques spécifiques… Bref, une résonance collective forte. C’était l’étape 1. Étape 2, déguster beaucoup, beaucoup, beaucoup de madeleines pour choisir une élue, celle qui représente le mieux LA madeleine, et la soumettre à l’analyse sensorielle pour identifier les notes et spécificités organoleptiques de cette madeleine. Étape 3 : recréer ce goût et l’univers qui va avec… sous forme de sirop ! À ce stade, on joue avec les molécules (qui sont la transcription scientifique des goûts et odeurs), on dose, on teste, on cherche à restituer les éléments de base dans leur vérité pour arriver à une création aboutie, celle dans laquelle la puissance et les particularités gustatives s’harmonisent. Ce graal s’appelle l’équilibre aromatique. Il est source de plaisir. C’est ce qui continue de réjouir Hélène après tout ce temps.


Le plus gros challenge de sa carrière

En 94, Maison Routin souhaite investir le marché américain. Dans les années 90, les français consomment le sirop de façon très littérale (avec de l’eau !), avec une gamme plutôt réduite qui tourne autour des fruits. Aux États-Unis, la culture « barista » est déjà très développée. Elle s’accompagne d’un usage des sirops en mode « chaud ». Or, une dilution dans du chaud ou du froid, ça change tout : goût, texture, odeur…  Rien ne va plus. Rapidement, il a fallu développer tout un nouveau référentiel organoleptique, basé sur des notes… chaudes, dont le référent principal est la vanille avec déclinaison caramel, cannelle, noisette… Autant de notes inhabituelles dans les sirops fruités bus en Europe. Ce fût un palier important pour cette maison française biberonnée à l’eau des Alpes, et une belle occasion d’élargir les gammes et les référents sensoriels. Presque 20 ans plus tard, les sirops 1883 pour boissons chaudes sont une référence mondialement connue, on les trouve dans plus de 80 pays !


Zoom sur le sirop madeleine

Objectif : un profil de madeleines légèrement aromatisées à l’amande amère (vs une recette orientée zeste de citron par exemple). Dans la madeleine on trouve des notes grasses (diacétyl), douces (vanilline), grillées (2 acétyl pyrazine), cuites (éthyl maltol)  et une note noyau – amande amère (benzaldéhyde).

Dans notre sirop, il s’agit de reproduire ces notes en assemblant des arômes qui amènent, d’une part, le côté biscuit (notes grasses, grillées et cuites), d’autre part, des arômes de vanille et d’amande amère spécifiques au goût de madeleine recherché.

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